Extrait du livre du gradé d’infanterie de novembre 1894: » Le régiment est l’école de la subordination, de l’esprit viril, de la fierté mâle, de la préoccupation concentrée vers la défense de la Patrie. L’éducation du Régiment montrera à l’homme qu’à coté de ses intérêts privés, du bien-être personnel, on a d’autres devoirs à remplir, d’autres sacrifices à faire si l’on veut que la France, sortie grande de ses défaites, aujourd’hui inviolable et invulnérable, puisse un jour défendre ses droits. »
Cette éducation passe par l’école du soldat qui comprend l’instruction individuelle, l’instruction de l’escouade (cf. la page la vie courante à la caserne) et l’instruction de l’escouade pour le combat, puis l’école de la compagnie qui intègre celle de la section et du peloton. Ces instructions passent par l’école des feux (utilisation des armes) et les manœuvres en terrain libres (campagnes, forêts et zones habitées).
Les manœuvres de l’époque se caractérisent sur les cartes postales anciennes (CPA) et photos par les marches, les haltes, les exercices et les bivouacs. Il s’agit de manœuvres de garnison (niveau régiment) sur le camp d’AUVOURS (SARTHE) ou COETQUIDAN (MORBIHAN) ou des grandes manœuvres (généralement en automne) du niveau brigade, division et corps d’armée.
Cette page propose quelques CPA du 115e RI, de troupes sur le camp militaire d’AUVOURS et manœuvres de l’infanterie.
Les marches
Les marches sont fréquentes et font partie de l’apprentissage du soldat à la vie militaire.
Les distances sont variables. Les soldats y font souvent référence dans leurs courriers adressés à leurs proches, en particulier les marches d’épreuve.
Extrait du livre du gradé d’infanterie 1894: L’instruction du régiment est conduite de telle sorte qu’à partir du 15 mars (les classes sont incorporés en octobre) les hommes de recrue soient en état d’entrer en campagne. A partir de cette date, elle se complète et se perfectionne de manière qu’aux manœuvres d’automne, le régiment ait mis en œuvre successivement toutes les parties du règlement sur les manœuvres.
Pendant le mois d’avril, on exécute pendant quatre jours de suite une série de marches d’épreuve de 20, 22, 24 et 26 kilomètres. Ces marches ont lieu avec chargement de guerre.
Ces marches d’épreuve sont réalisées dans les conditions de manœuvre en campagne. Les soldats portent alors tout leurs équipements.
L’équipement du soldat (source « livre du gradé » 1894):
habillement:
1 plaque d’identité
1 capote ou veste
1 ceinture de flanelle
1 pantalon de drap
1 képi
petit équipement:
1 paire de bretelles
1 caleçon
1 chemise
1 cravate
1 mouchoir
1 paire de brodequins
Le sac ou havresac:
sur le sac: 1 veste ou capote, 1 gamelle individuelle, 1 boite de conserve pour 2 hommes, 1 outil (48 par compagnie).
dans le sac: 1 calotte de coton, 1 chemise, 1 courroie de capote, 1 paire de guêtres de toile, 1 livret, 1 morceau de savon, 1 mouchoir, 1 paire de souliers, 1 paire de sous-pieds, 1 trousse garnie, 1 boite à graisse, 1 brosse d’arme, 1 brosse à habits, 1 brosse double à chaussures (1 jeu de brosses et 1 boite à graisse pour 4 hommes), 2 sachets à vivre, 2 jours de biscuit, 2 jours de petits vivres, 2 portions de potage condensé, 2 jours de petits vivres de débarquement, les munitions après la répartitions ordonnée, le nécessaire d’armes (4 par escouade et 1 par sous-officier armé d’un fusil), la baguette du fusil, les lacets de rechange.
Campement: 1 hachette (4 par compagnie), 1 moulin à café (2 par escouade), 1 gamelle (4 par escouade), 1 marmite (4 par escouade), 1 sac à distribution (2 par escouade), 1 seau en toile (2 par escouade).
Dans la musette: la cuillère, le repas fourni par l’ordinaire, les 2 jours de pain de débarquement.
Sur les épaules: la bretelle de fusil et de suspension, le havresac, l’étui musette, le petit bidon, le quart, le fusil (modèle 1874 « gras » ou 1886 « lebel », avec les cartouches de sureté).
Sur les hanches: le ceinturon, les 3 cartouchières, l’épée baïonnette, les munitions (120 cartouches).
Suivant le type de manœuvre, les soldats emportent un bourgeron, le calot, la brosse à boutons, la brosse à reluire, les chaussons, les gants, les guêtres de cuir, les martinets, les patiences, les sabots-galoches.
Le site suivant décrit avec illustrations ces équipements: http://www.lesfrancaisaverdun-1916.fr/uniforme-equipement.htm
Source décret du 28 décembre 1883 portant règlement de service intérieur des troupes d’infanterie:
– une demi-heure avant l’heure fixée du départ le tambour ou le clairon de garde fait la batterie ou la sonnerie « Aux champs en marchant »;
– pendant le rassemblement, le capitaine, aidé des officiers de la compagnie, passe l’inspection (état des chaussures, du paquetage et des armes);
– le régiment se met en marche en bon ordre. Les sapeurs marchent à la tête de la colonne, les tambours et les clairons marchent réunis à la tête de leur bataillon, la musique marche derrière ceux du bataillon de tête. Les clairons et la musique sonnent et jouent alternativement.
On observe donc sur les CPA de droite et de gauche les tambours et clairons du bataillon de tête précédent la musique du régiment.
Les guides de section se placent en tête de leur section, les chefs de section se placent à la queue de leur section pour en surveiller la marche et le capitaine à la tête ou à la queue de sa compagnie.
La section hors rang marche avec les équipages et les voitures des cantinières marchent derrière leur bataillon respectif. On retrouve aussi la voiture régimentaire de l’état-major, les voitures régimentaires des bataillons, les voitures des convois régimentaires, les voitures supplémentaires louées ou propriété d’officiers. Ces voitures, aux ordres du vaguemestre, reçoivent les caisses (du conseil, du trésorier (registres et pièces de comptabilité)) et les cantines (médicales, bagage des officiers, souliers et guêtres), caisses d’armes, les havresacs des infirmiers et des conducteurs d’équipage, les ustensiles de pansage, les couvertures des chevaux d’officiers, les fourrages et des ballots des effets de cuisine.
Les unités ont vocation à marcher au rythme de 130 pas par minute, 10 m séparent les compagnies et 20 m les bataillons. Les haltes ont lieu toutes les 50 mn et durent 10 mn. La grande halte se fait au 2/3 de la route ou au moins à moitié de chemin. Elle dure 1 heure et dans un endroit habité.
CPA non voyagée.
Le 115e RI à la halte près d’un fourgon de cantinière. On reconnait sur cette carte le chef de musique HENON Eugène (photo à gauche) et on regardant bien, nombreux des hommes au premier plan sont des musiciens (insignes sur les manches), ce qui explique leur ceinturon à plaque avec passants mobiles de 1845 et des cartouchières mdl 1877 . Nous sommes donc entre avril 1908 et décembre 1912 dates où le LTN HENON servit au 115e RI. Les couvre-képi semblent être des modèles 1902-1912.
Arrivées à leur lieu de destination (étape ou camp), les unités étaient soit en cantonnement (elles s’appuyaient sur des bâtis existants type grange et hangar) soit en bivouac (au camp d’AUVOURS par exemple).
Le camp d’Auvours (près du Mans) accueillait souvent les lignards du 115 et ce dès 1880 (18 octobre) où le 1° bataillon et le dépôt casernés à Alençon se rendirent à Auvours pour exécuter leur « feux de guerre ».
Les 2 CPA ci dessus non pas voyagées et sont sans annotation. Il semble qu’elles aient été prises à la même période et au même endroit.
On y retrouve des escouades du 115e RI avec leur chefs de section (sergents) ou leur chef direct (caporaux) probablement sur le camp d’AUVOURS. Il s’agit pour la seconde CPA de soldats de la 3e section de la 9ème compagnie du 115e RI.
Plusieurs soldats mettent en avant des symboles de fin de service (croix, médaille et bidons de la classe) annonçant un décompte de la « fuite ».
On remarque en arrière-plan les tentes qui caractérisent les bivouacs.
source livre du gradé de 1894: l’intérieur des tentes doit être tenu dans le plus grand état de propreté. le sol ne doit pas être creusé, mais décapé. On creuse une rigole au pied de la tente pour l’écoulement des eaux et on ménage un rebord sur lequel on puisse étendre les effets quand il fait beau. Les tentes sont établies par groupe de 6 hommes et séparées par 1 m d’intervalle. Les sous-officiers bivouaquent à l’extrémité de la ligne de tente de leur section. Les officiers de chaque compagnie bivouaquent derrière le centre de leur dernière section.
CPA-photos de soldats et sous-officiers du 115e RI au camp d’AUVOURS au bivouac, à la soupe ou aux corvées.
Le régiment en manœuvre s’entraine en autonome ou participe à des exercices coordonnés du niveau corps d’armée, division ou brigade (manœuvre d’automne).
Dans le cadre des grandes manœuvres, la CPA ci dessous est une photo de celle de 1909 qui fut de niveau brigade. On y voit l’état-major de la 16e brigade le 18 septembre 1909 en phase d’observation dans le secteur de FRESNAY SUR SARTHE et ASSE LE BOISNE. Fantassins, cavaliers, artilleurs, estafettes à vélo et quelques autorités civiles sont présents. On reconnait le général (officier le plus grand) BLANCHE, commandant la 16e BI, à l’origine du commentaire sur la CPA. Porte-carte, jumelles, étui jambon sont bien visibles. Cette CPA est destinée au colonel FOUCART qui commandait le 115e RI à cette époque.
Dans le cadre de ses camps sur AUVOURS, le 115e RI réalisait des campagnes de feux et des exercices de combat.
Les CPA et les images ci-dessous, bien qu’issu de ma collection, ne mettent pas en lumière des hommes du 115. Ce sont des unités d’autres régiments d’infanterie. Ces images n’ont d’autres vocation que de montrer les conditions et type d’entrainement sur le camp d’AUVOURS (Sarthe) et en général dans l’infanterie.
Le retour du régiment à MAMERS était un événement qui attirait les foules. La musique, les soldats défilant au pas au rythme des clairons et tambours était une attraction que les enfants semblaient particulièrement apprécier.
On retrouve aussi des soldats du 115e RI dans les camps de l’ouest comme COETQUIDAN.
(carte non voyagée)
1 adjudant (en képi avec attribut du 115 et liserais de réengagement), 1 sergent et 17 soldats posent devant une baraque à priori du camp de GUER. Sur les ardoise on lit « souvenir de Coetquidan » et « 12-2-115 ». Ces chiffres 12-2 sont difficiles à interpréter. Avant guerre, les 8 escouades de chaque compagnie sont numérotées de 1 à 15 en employant que des chiffres impairs. Les sections au nombre de 4 par Cie sont numérotées de 1 à 4, les cie de 1 à 12 et les bataillons de 1 à 3. De plus les adjudants, en principe, commandent les 3ème section des compagnies. Enfin, en général, on présente les n° par ordre croissant (escouade / section / cie / bataillon / régiment).
Ci-dessous, CPA voyagée envoyée de COETQUIDAN le 18 septembre 1913 par HURAULT.
On retrouve le sergent major Louis HURAULT dans plusieurs correspondances (classées dans les pages « le soldat dans sa garnison » ou « les soldats du 115 de 1914 à 1918 »). Sur la CPA, 3 adjudants et le sergent major HURAULT posent sur ce montage où l’on aperçoit ce qui semble être les réservoirs du camp de COETQUIDAN.
Le thème du montage avec avion est aussi utilisé à AUVOURS comme le montre cette autre CPA (coté sud du camp d’Auvours) envoyé par le soldat MESLE Emile du 115e RI le 15 juillet 1914. Un Emile MESLE, né le 31 mars 1892 à BRULON (Sarthe), de la classe 1912 au 115e RI sera tué à l’ennemi près de VIRTON le 22 aout 1914.
Les exercices et manœuvres n’étaient pas les seules occasions de sortir de la garnison de MAMERS.
En 1881, un bataillon du 115, qui tenait garnison à NOGENT LE ROTROU, fut désigné pour rejoindre le corps expéditionnaire en Tunisie. Ce bataillon restera en Tunisie jusqu’en avril 1886 (cf. page 115e RI: régiment et drapeau).
De grands événements ont associé le 115ème RI dans leur gestion comme les grèves de 1906 dans le Nord, les inondations de Paris en 1910 ou encore les grèves de Champagne en 1911 (malgré la carte postale, la présence du 115 en Champagne reste à confirmer).